Dématérialisation des procédures, téléservices ou encore signalements en ligne... Les communes se lancent dans des plans de transformation numérique de grande ampleur. Mais si l’e-administration est un enjeu de taille, la question de l’inclusion numérique est tout aussi cruciale. Pour Cachan comme pour Lille, l’un ne va pas sans l’autre.
À Cachan, dans le Val-de-Marne, l’expression "transformation numérique" n’est pas de la poudre aux yeux. Si cette commune de 30 740 habitants s’est vu décerner le label "Ville internet 5@", ce n’est pas simplement parce qu’elle a déployé la fibre sur l’ensemble de son territoire. C’est surtout pour sa stratégie orientée autour de trois axes : le plan numérique éducatif, la modernisation des services à la population et le renouvellement et la sécurisation de l’action publique.
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La commune, qui disposait alors d’un simple portail famille, à souhaité s’engager en 2016 dans un plan de plus grande ampleur. Son objectif : simplifier la vie des habitants et des agents de la collectivité. Pierre-Yves Robin, élu chargé du numérique et de la modernisation de l’action publique, en témoigne :
"Nous avons voulu développer un service global et transverse de gestion de la relation citoyen", explique-t-il ; "cette GRC multicanal devait intégrer un compte citoyen permettant de réaliser 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 de très nombreuses démarches en ligne depuis un ordinateur, une tablette ou un smartphone".
La plateforme imaginée par la ville de Cachan centraliserait alors toutes les demandes des usagers (citoyens, associations ou entreprises) qu’elle répartirait auprès des services et agents concernés et faciliterait leur traitement et suivi par les élus et les agents à l’aide de différents outils (base de connaissance partagée, statistiques, réponse automatisée, parapheur électronique, etc.). Enfin, il devait être possible d’étoffer ensuite la plateforme avec des outils additionnels facilitant toujours plus la vie des habitants (coffre-fort électronique, simulateur, alertes en temps réel, etc.).
Avec les téléservices, la commune ne reçoit plus de mail
À la suite de la rédaction d’un cahier des charges précis et détaillé, puis d’un appel d’offres, la commune de Cachan choisit la société Docaposte pour la création de cette plateforme de GRC. Lancée en 2017, la plateforme s’étoffe de nouvelles fonctionnalités tous les 3 à 6 mois. Aujourd’hui, elle propose aux citoyens des téléservices facilitant leurs démarches administratives et leur évitant de se déplacer (état civil, sécurité-police nationale, sport, enfance-famille, commerce, culture, environnement, etc.).
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La plateforme de GRC de Docaposte permet également de respecter les obligations réglementaires en matière de saisine par voie électronique (SVE), "silence vaut acceptation" (SVA) et Règlement général sur la protection des données (RGPD).
"Aujourd’hui, on ne reçoit plus de mails, mais des messages acheminés directement à la personne qui va traiter le problème", explique Pierre-Yves Robin ; "le gain de temps, qui impacte tous les services, est considérable".
Et le retour des habitants est très positif : 3 000 comptes citoyen ont été créés dès la première année de sa mise en œuvre. 85 % de la population y paye ses factures et 72 % des gens y sont en relation avec les services de la mairie.
"Nous avons créé un ensemble très cohérent depuis lequel chacun peut s’adresser aux services de la ville pour poser une question, commettre un acte, ou envoyer une information en deux ou trois clics", se félicite l’élu.
Bien sûr, grâce notamment à l’équipe projet dédiée à la fracture numérique, un effort a été porté pour que personne ne soit exclu de la transformation qui touche les services administratifs de Cachan. Des espaces publics numériques ont par exemple été développés dans les bibliothèques et les centres culturels, ainsi que des formations dans toutes les résidences pour personnes âgées. Néanmoins, comment être sûr que personne n’a été oublié ?
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Une start-up sociale pour ajouter de l'inclusion à la dématérialisation
Wetechcare s’attache rappeler les chiffres qui font mal : 12 % des Français n’utilisent pas internet et 32 % ne sont pas autonomes dans leurs démarches en ligne. En tout, près de 40 % de la population est mise en difficulté avec le numérique. Créée par l’association Emmaüs Connect en avril 2016, cette start-up sociale ambitionne de toucher 1 million de personnes d’ici 2022. Parmi ses champs d’action, elle accompagne notamment les opérateurs de services dématérialisés, les collectivités et les acteurs de l’insertion dans leur stratégie d’inclusion numérique.
C’est avec son aide que la ville de Lille, dans le Nord, a lancé il y a un an son plan de transformation numérique global qui sera inauguré en juin 2019 et qui dispose de deux volets conjoints : l’e-administration et l’e-inclusion.
"La question de l’accès aux services n’est pas un effet de mode", explique Akim Oural, élu chargé du numérique de la ville ; "il s’agit d’une promesse de la République : que tout un chacun ait accès aux services publics".
Pendant un an, l’équipe en charge du projet a revisité toute l’organisation interne et externe des services publics : aux guichets, mais aussi entre collègues pour le traitement des demandes.
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"Dès juin prochain, tous les services seront interconnectés", poursuit Akim Oural ; "ils pourront ainsi vérifier les suivis et les statistiques". Complexe d’un point de vue technologique et informationnel, le système fonctionnera grâce à l’authentification numérique du citoyen et proposera même le stockage de documents. L’enjeu est de taille : "Nous souhaitons que 100 % des citoyens lillois soient égaux devant le service public", poursuit l’élu au numérique ; "et ce quel que soit le canal : l’hôtel de ville, les mairies de quartier, ou le web".
Wetechcare s’est associé au projet lillois dès le début 2018.
"Nous souhaitions que Wetechcare nous aide notamment à définir le périmètre d’action de nos agents d’accueil", précise Camille Julien, chargée de mission développement des usages numériques à la mairie de Lille ; "il fallait les former en répondant aux problématiques du matériel, de l’accès et des compétences".
Des questionnaires en face à face et des ateliers menés par Wetechcare ont permis de dresser un diagnostic et d’identifier les chantiers prioritaires : l’accompagnement au changement des agents, l’inclusion du numérique dans les stratégies d’accueil et un travail pour aller vers les publics hors les murs.
Formation des agents dans les communes
Sur le terrain, ces axes de travail se sont d’abord traduits par un plan de formation des agents (transformation des métiers, bonnes pratiques, ressources et outils). Des points numériques en semi-autonomie animés par des services civiques "facilitateurs d’inclusion numérique" ont également été créés dans les mairies de quartier. Enfin des visites à domicile sont organisées par les travailleurs sociaux.
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"L’aide de Wetechcare a été extrêmement précieuse", conclut Camille Julien ; "grâce à Emmaüs Connect, ils ont une connaissance très fine du terrain, que ce soit des publics cibles ou des publics professionnels". Verdict en juin prochain.