étudiants et jeunes diplômés : que restera-t-il de nos 20 ans ?

 

Archimag a lancé un appel à témoins via des listes de diffusion pour demander à des étudiants et jeunes diplômés en info-doc comment ils voient leur situation aujourd’hui et comment ils l’envisagent dans le futur. Voici les sentiments de quelques nouveaux venus.

Elle a une maîtrise d'histoire contemporaine et voulait être bibliothécaire, mais, pour le devenir, il faut passer un concours et donc être titulaire d'un diplôme technique. Adèle (1), 23 ans, se retrouve, après un bilan de compétences, étudiante en année spéciale documentationi d'entreprise à l'IUT Paul Sabatier de Toulouse. Et là, aucun regret, " bien au contraire ". Un stage en laboratoire pharmaceutique la conduit à rechercher des articles, faire de la veille Intelligence économique.  ">i. " Cette formation m'a permis d'ouvrir mon champi professionnel. " Pour elle, la profession ne cesse d'évoluer et devient de plus en plus nécessaire ; à propos du rôle des documentalistes, elle n'hésite pas à parler de performance et de gain de temps. Valérie, 24 ans, est étudiant à l'IUT informationi-communication de Dijon. Aujourd'hui en stage dans un service d'archivesi départementales, il se montre ouvert à toute possibilité, " aussi bien webmestre qu'archivistei ".
 
préparateur de l'information

Christine a 22 ans et a déjà effectué quatre ans de formation en documentation. Actuellement, elle est étudiante en stratégie documentaire et valorisation de l'information à l'université de Lyon III (IUP info-com). Parallèlement, elle est embauchée en tant que stagiaire dans une grande entreprise pour mettre en place un système d'aide et d'autoformation sur un logiciel de knowledge managementEnsemble de pratiques et d’outils visant à valoriser le patrimoine immatériel, et en particulier les connaissances d’une entreprise (documentation, gestion des compétences, etc.) Environnement qui encourage la création, le partage, l'enrichissement, la transmisson, la capitalisation et l'utilisation des connaissance pour le bénéfice des clients de l'entreprise et de ses collaborateurs.  ">i. Elle voit le documentaliste non seulement comme faisant le pont entre l'information et l'utilisateur, qui a peu de temps pour s'occuper du suivi de cette information, mais aussi se chargeant de la préparation de l'information pour l'usageri. " Je pense que c'est cet aspect de préparateur qui va devenir de plus en plus intéressant dans notre métier. "
 
confondu avec un rôle de rangeur

" Comment voyez-vous votre métier ? " Posez cette simple question à un ou une documentaliste et vous obtenez presque à coup sûr une réponse qui évoque un problème de manque de reconnaissance. C'est par exemple le cas de Delphine, documentaliste dans un centre de formation en Basse Normandie, qui se plaint que son métier ne soit pas assez reconnu " pour la technicité qu'il demande ". Elle est bac+4 ; son statut la considère au niveau bac. Fabienne a 26 ans et est depuis 3 ans documentaliste dans un organisme social de la région Rhône-Alpes. Recueil, tri, diffusion et classement constituent son lot quotidien auquel est venu s'ajouter la réalisation d'un journal destiné aux différentes catégories de professionnels de santé. " Je signe mes courriers et me présente comme documentaliste. Mais sur ma fiche de paie, je suis technicien documentation. "
Même sentiment chez  Sandrine. Agée de 24 ans et documentaliste, elle est chargée de mettre en place un système de gestion documentairei et participe à des projets de création de sites web, de certification Iso, de sensibilisation à l'utilisation de l'intraneti. Pourtant elle se sent un peu solitaire et souffre que son métier soit parfois confondu avec un rôle de " rangeur " ! Lauriane, documentaliste au sein d'une assemble parlementaire belge confirme : " Certains pensent que nous en faisons que classer. "
Pour Fabienne cependant, les choses ont beaucoup changé en matière de reconnaissance de la documentation dans son organisme depuis qu'il s'est lancé dans un processus de certification qualité. " Sans la certification, je n'aurais sans doute jamais été embauchée. " Du coup, la documentation gagne une place plus importante, les autres services reconnaissent enfin son utilité, son rôle et font plus facilement appel à elle. Elle n'attend pas d'évolution particulière dans un avenir immédiat, les choses venant de bouger considérablement grâce à la certification : une personne, de la documentation papier, du système D avant, et, après, deux documentalistes, un rédacteur documentaire, un logiciel et de nouveaux locaux !
Delphine, quant à elle, compte bien tirer profit de la dynamique des projets auxquels elle est intégrée.
 
développer des compétences de plus en plus pointues

Quand on est étudiante comme Adèle, l'espoir numéro un est de trouver rapidement du travail. Optimiste, elle juge que de plus en plus de grandes entreprises vont devoir faire appel à des professionnels de l'information. Pas encore diplômé, Valérie recherche déjà un emploi.
Pour l'instant, Fabienne est passionnée par son métier et elle ne voit pas plus loin. Mais l'hypothèse d'un regroupement d'organismes sociaux dans son département pourrait conduire à la fermeture du sien. Le moment venu, restera-t-elle documentaliste ou prendra-t-elle un autre virage ? La question est ouverte.
Globalement, Delphine souligne la très grande concurrence dans le métier, du fait du nombre impressionnant de nouveaux diplômés pour une quantité réduite de postes ; elle ne comprend pas " la politique de formation qui délivre des diplômes à tour de bras alors qu'il n'y a pas de postes ". Par ailleurs, " avec l'accès par tous à  Internet">i et aux outils de connaissance, les documentalistes devront démontrer leur technicité, beaucoup plus mise à l'épreuve maintenant ". Pour Lauriane, le professionnel va devoir " se spécialiser et développer des compétences de plus en plus pointues ".
" Peut-être qu'il n'y aura plus de documentalistes, analyse Sandrine, mais des fonctions très pointues qui ont pour base la documentation (par exemple, knowledge manager, records manager, veilleur, etc.). Ces " documentalistes " ne seront peut-être pas nécessairement des gens qui ont fait de la doc, mais par exemple des écoles d'ingénieur ou de marketing ou de l'informatique. En bref, j'imagine bien une " dilution " de ce métier. " Peu optimiste, Géraldine, documentaliste âgée de 25 ans, va dans le même sens : " Une crainte est que ce métier soit en voie d'extinction… et que cette fonction ne soit plus considérée à part entière, mais reléguée à d'autres employés dont ce n'est pas la spécialité. "
Sandrine espère une évolution professionnelle : " C'est l'intérêt de ce métier, avec un même diplôme, on peut avoir des fonctions très variées. " Sylvie, 22 ans, est titulaire depuis 2004 d'une maîtrise professionnelle de documentation et information scientifique et technique ; pour elle qui a le titre d'ingénieur maître et travaille en tant que documentaliste-veilleuse, la veille est un domaine plein d'avenir : " Dans 10 à 20 ans, la veille prendra plus d'importance en France et sera réellement prise au sérieux. Plus aucune entreprise de plus de 500 salariés ne pourra se permettre de négliger cette activité. "
" L'informatique n'a pas fini de faire évoluer le métier ", remarque Sandrine. Valérie confirme : " Les NTIC vont probablement faire disparaître certaines tâches quotidiennes du documentaliste. " La maîtrise des outils est un impératif (créer un site Internet, paramétrer des bases de données…), ce qui est difficile pour les " documentalistes âgés ". Par ailleurs, pour lui, le documentaliste " doit devenir un manager en plus de sa fonction principale ".
Julien, bientôt diplômé et en stage dans une banque de l'est de la France, parle de la menace de l'intranet qui depuis, le siège parisien, centralise tout et remplace petit à petit les documentalistes. Avec Internet, tout le monde peut se débrouiller ? Pas d'accord, répond Pauline, 22 ans, en formation en apprentissage avec l'Institut régional des techniques documentaires (IRTD, Rouen), " nous devenons de plus en plus indispensables quant à la maîtrise de l'information face au flot que nous envoie Internet ". Enfin, Adèle craint à terme l'omniprésence de l'électronique, elle qui aime les contacts humains et… les vieux livres !
(1) Certains participants à l'enquête ayant souhaité que leurs noms et organismes employeurs n'apparaissent pas explicitement, il a été décidé de présenter tous les témoignages de façon anonyme, sous de faux prénoms.
 

Les podcasts d'Archimag
Êtes-vous prêts à renoncer à des services numériques ou à vos appareils électroniques pour le bien commun ? Face à l'urgence climatique, notre rapport au progrès et à la technologie est souvent remis en question. Archimag Podcast a rencontré Alexandre Monnin, philosophe, directeur du master Sciences, Stratégie et Design pour l’Anthropocène à l’ESC Clermont Business School et auteur de l'ouvrage "Politiser le renoncement", aux Éditions Divergences. Il est aussi co-initiateur du courant de la redirection écologique, dont il nous explique le principe.