bibliothèques universitaires: 24h/24 ?

Aalain

 

Annoncé par le ministère de l’Enseignement supérieur, le plan pour les bibliothèques universitaires se décline sur de nombreux registres : extension des plages d’ouvertures, publication bimédias, développement de tous les outils et de tous les contenus numériques. Sur le terrain, la situation est fortement contrastée en termes de locaux, de moyens ou encore d’offres numérique. Site en construction…

Alors qu’il n’était encore que candidat à la présidence de la République, Nicolas Sarkozy dénonçait « le poids des habitudes, des conservatismes et des statuts archaïques, comme celui qui ferme les bibliothèques universitaires le dimanche ». C’était le 18 janvier 2007 à l’occasion d’un discours prononcé devant les étudiants de l’École supérieure d’électricité (Supelec). Quelques semaines plus tard, il annonçait son intention « d’offrir à chaque grande université, dans chaque région, un campus de dimension européenneavec des choses invraisemblables [sic] comme des bibliothèques ouvertes le dimanche ».

pas encore

Devenu président, Nicolas Sarkozy n’est pas encore parvenu à ouvrir toutes les BU le dimanche mais force est de constater que les plages d’ouverture s’élargissent progressivement. Selon le ministère de l’Enseignement supérieur, soixante-deux bibliothèques universitaires ouvriront plus de 60 heures par semaine dès cette année. Soit deux heures de plus que l’ouverture moyenne qui s’élève à 58 heures par semaine. Mieux, Valérie Pécresse a récemment annoncé que trenteune bibliothèques seront labellisées « NoctamBU » et ouvriront donc plus de 65 heures par semaine. Et pour six d’entre elles, cette extension d’horaire atteindra même 84 heures – Angers, Nice, Strasbourg… La ministre de l’Enseignement supérieur précise que ces bibliothèques « ouvriront tard le soir, en allant jusqu’à 23 h 30 comme la nouvelle bibliothèque de médecine de Cochin pour l’université de Paris Descartes ».

développement de l'offre numérique

Souvent décrites comme vétustes et fauchées, la situation des BU varie beaucoup, en réalité, d’un établissement à l’autre. Entre Sciences-Po Paris qui inaugurera bientôt une splendide bibliothèque sur six niveaux au coeur du Quartier latin et Lille 3 dont le toit de la BU avait été endommagé par les eaux en 2006, il y a un monde. C’est peu dire que le « plan pour un renouveau des bibliothèques universitaires » présenté par Valérie Pécresse le 17 février dernier était attendu. Outre l’élargissement des horaires d’ouverture, la ministre s’est engagée à accroître le nombre d’ouvrages en accès libre grâce au développement de l’offre numérique. Un dispositif national de coordination des achats de documentation électronique scientifique verra le jour. Objectif : définir les besoins prioritaires en s’appuyant sur des acteurs reconnus comme le consortium Couperin, l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (Abes), et l’Institut de l’information scientifique et technique (Inist). Optimiste, l’État a prévu une enveloppe de 750 millions d’euros pour mener à bien ce projet.

incitation financière et mètre carré

Autre engagement annoncé par Valérie Pécresse, celui de rendre les bibliothèques plus fonctionnelles. Un chantier qui passera par le réaménagement des espaces d’archivage : les établissements qui feront le choix de délocaliser leurs collections les moins consultées se verront proposer « un mécanisme financier d’incitation » Les bibliothèques universitaires seront encouragées à confier certains de leurs fonds au Centre technique du livre de l’enseignement supérieur (CTLES) afin de libérer de précieux mètres carrés. Avec un volume actuel de trois millions d’ouvrages, le campus lyonnais est particulièrement visé par cette délocalisation. Le CTLES, pour sa part, pourrait voir ses capacités de stockage multipliées par trois. Lors de l’année universitaire 2008-2009, 20 000 m2 supplémentaires ont été mis en service.

publication bimédia

Ces annonces ont reçu un accueil plutôt favorable mais nuancé de la part des bibliothécaires. L’Association des directeurs de bibliothèques universitaires (ADBU) rappelle ainsi que l’élargissement des horaires ne se limite pas à la seule présence de bibliothécaires mais suppose la présence d’autres corps de métier : informaticiens, personnels habilités à résoudre les problèmes d’électricité ou de chauffage. L’ADBU regrette également « l’absence de référence aux questions de personnel et de formation ». Si elle salue le plan de numérisation du patrimoine documentaire universitaire, l’association préconise le développement de manuels universitaires francophones au format numérique. Pour l’ADBU, la référence en la matière reste le rapport conduit par le député Jean-Michel Fourgous qui préconise la publication bimédia de tout manuel scolaire dès 2011.

wifi, podcast, environnements numériques de travail…

Mutation numérique oblige, les ENT (environnements numériques de travail) sont au coeur du programme de Valérie Pécresse pour les universités. En présentant son plan « wifi, podcast, environnement numérique de travail pour tous », la ministre a indiqué que 10 millions d’euros seraient débloqués pour achever la couverture wifi des campus universitaires français. Six autres millions seront affectés au développement des podcasts à raison d’une enveloppe de 30 000 à 150000 euros selon les établissements. Ces investissements partent d’un constat : jusqu’ici, les universités françaises ont migré en ordre dispersé vers les environnements numériques de travail. Avec plus de 33 000 étudiants, l’université de Paris Descartes est un poids lourd de l’enseignement supérieur en France. Près de 2 000 professeurs et 1 300 chercheurs y enseignent l’ensemble des disciplines des sciences de l’homme et de la santé – médecine, pharmacie, dentaire. Les étudiants et les personnels disposent d’un environnement numérique de travail dont les fonctionnalités touchent aussi bien à l’enseignement qu’aux questions administratives : cours proposés en différents formats, bibliothèque en ligne, espace de stockage, calendrier des activités de l’université… Certains élèves peuvent même obtenir le prêt d’ordinateur portable pour quelques mois et tous peuvent profiter du signal wifi présent sur le campus.

À Tours, l’université François Rabelais propose depuis 2007 un environnement numérique de travail auquel les étudiants peuvent accéder via un identifiant et un mot de passe. Chacun d’entre eux dispose d’un dossier de suivi – dossier administratif, notes d’examen, cursus… – et d’un ensemble de ressources en ligne : cours, outils de communication, espaces collaboratifs. En Bretagne, l’université de Rennes 1 a créé son ENT dès le mois de janvier 2005. Outre les cours et les ressources en ligne, cet ENT a permis de dématérialiser certaines procédures comme l’inscription en ligne. Les étudiants peuvent également accéder à des annonces et des flux RSS thématiques.

enquêtes de satisfaction

On le voit, les initiatives destinées à améliorer la vie universitaire se multiplient mais les étudiants sont-ils satisfaits ? De nombreux responsables de Services communs de la documentation procèdent à des enquêtes de satisfaction régulières pour sonder leurs attentes. C’est le cas, par exemple, de la bibliothèque interuniversitaire Santé de Clermont-Ferrand qui a publié les résultats d’une enquête lancée en 2008. Il ressort que les étudiants des premiers et deuxièmes cycles sont les plus nombreux à la fréquenter. Étonnamment, l’emprunt de document n’arrive qu’en quatrième position des motivations pour les 1er cycles derrière la possibilité d’y réviser leurs cours. En revanche, les troisièmes cycles placent en première position l’emprunt de documents devant la consultation sur place. Quant aux périodiques électroniques, ils sont surtout plébiscités par les professeurs et, selon la BU de Clermont-Ferrand, « les étudiants ne semblent pas être intéressés par ce support de travail ; c’est le manque d’information qui paraît être la cause de cette ignorance en matière de périodique électronique ». Un effort d’information semble donc nécessaire pour informer les étudiants qu’ils peuvent accéder à des ressources au format numérique. Un bon point pour la bibliothèque universitaire de Clermont-Ferrand : 72 % des lecteurs se disent satisfaits de l’accueil et 77 % estiment que les informations qui leur sont fournies sont pertinentes.

étudiants peu formés

Dans notre édition du mois de février 2009, Jeffrey Larson, bibliothécaire en charge des collections européennes au sein de la prestigieuse université de Yale (États-Unis), constatait la désertion progressive de la bibliothèque au profit d’Internet… À sa façon, il constatait : « la bibliothèque de Yale est une belle cathédrale, mais la nef est vide… » Selon lui, cette désertion s’explique, entre autres, par le manque de formation aux techniques documentaires des professeurs et des étudiants. Des deux côtés de l’Atlantique, les bibliothécaires universitaires savent ce qu’il leur reste à faire.

 

Repères

une petite révolution en cours

La France compte 480 implantations de bibliothèques universitaires avec une moyenne de sept sites par campus soit un total de 91 000 places assises. Les collections représentent 40 millions de livres ainsi que 600 000 titres de périodiques papier et 700 000 titres de périodiques au format numérique. Le nombre total de lecteurs inscrits s’élève à 1,2 million ; les effectifs des personnels de bibliothèque universitaire atteignent 5 300 personnes. Selon le ministère de l’Enseignement supérieur, 80 % des étudiants fréquentent régulièrement les BU contre 55 % en 1989. Les dépenses documentaires sont estimées à 56 euros par étudiant et par an.

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Les podcasts d'Archimag
Êtes-vous prêts à renoncer à des services numériques ou à vos appareils électroniques pour le bien commun ? Face à l'urgence climatique, notre rapport au progrès et à la technologie est souvent remis en question. Archimag Podcast a rencontré Alexandre Monnin, philosophe, directeur du master Sciences, Stratégie et Design pour l’Anthropocène à l’ESC Clermont Business School et auteur de l'ouvrage "Politiser le renoncement", aux Éditions Divergences. Il est aussi co-initiateur du courant de la redirection écologique, dont il nous explique le principe.