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Plans du château de Versailles : une numérisation monumentale

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    Plan pour un projet d’entresol sur la petite salle des gardes de l’appartement du roi (1772) (Archives nationales).
  • Le projet Verspera de numérisation des plans du château de Versailles a entamé, dans sa onzième année, une nouvelle phase. Il est rejoint par d’autres partenaires et doit traiter des documents supplémentaires. Il se place dans une perspective de science ouverte et fait la part belle à la modélisation 3D.

    mail CET ARTICLE A INITIALEMENT ÉTÉ PUBLIÉ DANS ARCHIMAG N°380
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    L’édifice du château de Versailles, dans les Yvelines (78), est documenté par des plans, des coupes et des élévations (plan représentant une face verticale). Ils retracent sa construction et son évolution sous l’Ancien Régime. L’intérêt pour les historiens et historiens d’art est évident. Mais ces documents sont fragiles et leur communication n’est plus toujours possible. Numériser est donc la solution pour permettre une consultation sans risque.

    Ainsi est lancé en janvier 2013 le projet Verspera (acronyme de Versailles en perspectives dans les archives) fort de trois objectifs : numériser pour préserver, mettre à disposition du public un corpus virtuel haute définition, modéliser des espaces à partir des plans anciens pour les rendre à nouveau compréhensibles. Il est piloté par le Centre de recherche du château de Versailles (CRCV, ministère de la Culture) qui a pour directeur scientifique Mathieu da Vinha.

    L’essentiel des fonds relatifs au château est détenu par les Archives nationales (AN) et par la Bibliothèque nationale de France (BnF), eux-mêmes gestionnaires de la numérisation, de la restauration et de la conservation. À ces deux partenaires du CRCV, se joint le laboratoire Etis, unité mixte de recherche commune à l’Université de Cergy-Pontoise, à l’Ensea Cergy et au CNRS. La Fondation des sciences du patrimoine apporte son soutien financier à hauteur de 70 000 euros en 2013, le ministère de la Culture venant contribuer pour un supplément de 50 000 euros en 2015.

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    Travail de récolement

    Si du côté de la BnF, une partie des dessins est déjà numérisée (en 2013) et mise en ligne sur Gallica (800 unités), aux AN beaucoup est à faire. Là, les 7 500 dessins répertoriés sont répartis en blocs.

    Le bloc AN1 concerne le château, son corps central et ses ailes sud et nord. Il est traité durant la période 2013-2023. L’une des étapes consiste à opérer un important travail de récolement. Celui-ci se base sur les notices de la BnF et sur l’inventaire papier en deux volumes construit au début des années 1980 par les AN. Mais c’est un tableau Excel qui est ensuite utilisé, comprenant 18 colonnes et autant de lignes qu’il y a de clichés à prendre ! Les données sont vérifiées méticuleusement et l’on y transcrit toutes les inscriptions présentes sur les plans. L’indexation est affinée.

    Le domaine au sens de l’Ancien Régime, soit les jardins, Chèvreloup, les châteaux de Trianon et les dépendances en ville, constitue le bloc AN2. Sous l’Ancien Régime, le château de Versailles correspondait à une surface de 16 000 hectares, contre seulement 850 aujourd’hui. Ce bloc AN2 est en cours de traitement.

    En pratique, entre le moment où les AN numérisent un fonds et celui où le CRCV peut le traiter, un délai s’écoule inévitablement. « Les projets prennent toujours plus de temps que prévu », constate Mathieu da Vinha. Des items s’ajoutent au tableau Excel, les notices sont complétées, précisées. Par exemple, pour un plan simplement daté du XVIIe siècle, l’avancée des recherches conduit à restreindre sa fourchette chronologique.

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    Scanners et vues segmentées

    En pratique, la numérisation d’une grande partie est réalisée par un prestataire externe. Ce sont les documents les plus fragiles qui reviennent aux photographes des AN. Différents scanners sont utilisés. Un scanner à plat prend les documents de format 90-130 cm (scanner Metis DRS A0). Pour les grands formats, on recourt à deux plateaux de prises de vue, le premier à « aspiration et aimantation » (formats de 2 à 3 mètres), le second avec un « dos numérique matriciel lié à un ordinateur et fonctionnant par aimantation » (formats de 3,5 à 5 m). On numérise en 300 DPI, avec des masters en Tiff.

    Enfin, pour les plus grands documents, on prend des vues segmentées qui sont ensuite réunies et ajustées par un logiciel, ceci au pixel près (cf. un article de Michel Jordan et Benjamin Ringot). L’ensemble des images, dont chaque institution reste propriétaire, est mis à disposition d’Etis et du CRCV.

    Mais l’opération de numérisation est aussi l’occasion de revoir comment bien conserver. Par exemple, des plans qui étaient restés pliés sont désormais conservés à plat. Pour ce faire, s’agissant du cas des grands formats ou du papier japonais, il faut innover et créer un conditionnement spécifique. Tout d’abord, le plan est déplié, remis en tension avec une humidification préalable et la pause de bandes latérales, puis il est laissé dans une atmosphère confinée et humide. Enfin, il est rangé dans un conditionnement spécialement créé, en forme de cylindre ou de vague, avec une boîte sur mesure.

    Banque d’images en ligne

    Dans une logique de science ouverte, le projet Verspera entend, à terme, mettre en ligne la totalité de sa banque d’images, hébergée dans son serveur, soit 15 000 à 16 000 images pour 9 500 documents.

    Une démarche est en cours pour compléter cet ensemble. Un partenariat est en train d’être finalisé avec les Archives départementales des Yvelines et la Bibliothèque municipale de Versailles. Elles apporteront 450 autres documents, archives du domaine royal et de la surintendance des Bâtiments du Roi, éclairant de nouveaux sujets : le développement de la ville de Versailles, les dépendances du château en ville (résidences de la famille royale, ministères, etc.) et le réseau hydraulique yvelinois étroitement lié à celui du château. Ce supplément constitue le bloc AN3. Les AD des Yvelines et la BM de Versailles procèdent elles-mêmes à la numérisation et à la restauration, le CRCV leur apportant ses compétences scientifiques.

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    Au-delà de la numérisation

    Parallèlement, la modélisation des documents avance également. Le laboratoire Etis procède à un premier niveau de modélisation 3D, ceci uniquement à partir des plans numérisés. Il recourt à un logiciel spécifiquement développé qui permet de mieux restituer ce que montrent les plans et les élévations.

    Mais ces modèles 3D semi-automatisés restent « assez basiques », reconnaît Mathieu da Vinha, par exemple, avec des hauteurs sous plafond standardisées. Dès lors, les étudiants en licence professionnelle « Métiers du numérique : patrimoine, visualisation et modélisation 3D » de l’université de Cergy Pontoise s’en emparent pour fournir des rendus bien plus élégants (cf. une vidéo de présentation).

    La 3D doit permettre aux chercheurs de mieux comprendre la distribution, le fonctionnement et les usages du château, ainsi que de comparer les évolutions architecturales et les vocations successives de la résidence. Pour le grand public, elle enrichit la découverte du château et de ses espaces disparus, comme la Petite Galerie dite de Mignard.

    En outre, les modèles 3D sont désormais de plus en plus intégrés sur SketchFab, site d’hébergement et de lecture de fichiers 3D en ligne. Ainsi, les visiteurs peuvent se promener dans les images et obtenir des informations sur ce qu’ils voient.

    De la 3D à la réalité virtuelle, il n’y a qu’un pas. Le château de Versailles et la Fondation Orange avaient produit « Vivez Versailles », une expérience de réalité virtuelle. Aujourd’hui, des sollicitations viennent de sociétés de métavers qui voient dans le château de Versailles un réel intérêt pour leurs catalogues. La galerie des Glaces n’a pas fini d’impressionner.

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