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Mobilité et gouvernance de l'information

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    Alphaspirit - Fotolia.com
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  • Si, d’une part, les situations de mobilité se multiplient dans les entreprises, il ne faut pas omettre, d’autre part, de les raccorder à la question de la gouvernance de l’information. Car si la mobilité est en soi une simplification – on travaille connecté, d’où l’on veut, au plus proche du client… -, elle n’est pas forcément vécue comme telle du côté du management du système d’information. L’aspect technique (accès, synchronisation, traçabilité, archivage) n’est pas le seul à devoir être considéré. Avis d’expert, enquête auprès des prestataires et retour d’expérience.

    Sommaire du dossier :

    C’est un chiffre étonnant : en 2012, la France comptait 70,5 millions d’abonnements à un forfait de téléphonie mobile alors que notre pays ne compte que 65 millions d’habitants. Soit un taux de pénétration de 108 % ! Un suréquipement qui s’explique : une même personne peut ouvrir deux, trois (ou plus) abonnements. Quant aux tablettes, elles sont désormais présentes dans quasiment un foyer sur trois soit 9,1 millions de familles.

    Autant dire que les appareils liés à la mobilité se sont rapidement répandus au sein de la population française. Et ces taux d’équipement sont encore plus élevés en milieu professionnel où il n’est pas rare de trouver un salarié jonglant avec une tablette, un smartphone et un ordinateur. Certains postes au sein des entreprises, mais aussi dans les collectivités se vivent désormais sur le mode du nomadisme numérique. Il a suffi de quelques années pour que la mobilité vienne marquer de son empreinte nos usages privés et professionnels. À la faveur des réseaux 3G puis 4G, nous avons pris goût à pouvoir accéder en tous lieux et à tout moment aux contenus.

    Un tel bouleversement ne pouvait pas rester sans conséquence sur la gouvernance de l’information. Les entreprises doivent repenser leur organisation à la lumière d’un nouveau postulat : le patrimoine informationnel de l’entreprise est désormais consultable sur une multitude de supports. Certains de ces supports n’appartiennent pas à l’entreprise : « Il faut en effet garder un œil sur les tendances, car la mobilité est en constante évolution, souligne Dennis Kosse, responsable solutions d’architecture et de mobilité au sein de la société Unisys Pays-Bas ; le phénomène BYOD [Bring your own device ou apportez votre propre matériel] conduit l’utilisateur à disposer des documents de l’entreprise sur son propre équipement. Ceci pose des questions quant à la souveraineté des données de l’entreprise ».

    Nouvelles pratiques documentaires

    Les entreprises vont donc devoir trouver de nouvelles pratiques documentaires : qui accède à quoi ? Avec quels droits ? Quels contrôles mettre en place ? Les directeurs des systèmes d’information savent qu’il n’est pas facile de répondre à ces questions. Car, d’un côté, ils sont soumis à des demandes toujours plus fortes de la part des employés d’utiliser des appareils mobiles ; mais ils doivent également assurer la sécurité du patrimoine informationnel qui leur a été confié.

    Même dilemme du côté des professionnels de l’information : « Aux Pays-Bas, la notion de “nouveau monde du travail” est devenue ordinaire. Elle signifie que vous pouvez travailler de n’importe où, quand on le souhaite et avec n’importe quelles informations. Cela peut être parfaitement adapté aux employés itinérants comme les inspecteurs du travail qui peuvent ainsi accéder à tous les documents dont ils ont besoin pour assurer leurs missions », souligne Dennis Kosse.

    Les entreprises qui misent sur la mobilité attendent en retour un accroissement de la productivité de leurs salariés lorsqu’ils sont en déplacement. Ces derniers pourront accéder à distance à des contenus et à des applications jusqu’ici exploitables uniquement sur site. On pense évidemment aux courriers électroniques et aux calendriers. Mais ce sont également des documents plus « complexes » comme des tableaux de bord ou une application CRM (gestion de la relation client) qui peuvent être exploités à distance.

    Parc informatique parallèle

    Face à ce « nouveau monde du travail », informaticiens et professionnels de l’information semblent s’entendre sur une solution : la mise en place d’un espace de travail professionnel unifié ou Waas (Workplace as a service). Cet espace présente l’avantage de satisfaire tous les maillons de la chaîne documentaire : d’abord l’utilisateur final qui peut y accéder à tout moment, quel que soit l’outil ; ensuite les applications ; enfin les données qui doivent être structurées et sécurisées.

    Mais la mobilité génère également un phénomène que l’on n’attendait pas. Les salariés auraient tendance à se rebeller contre les « équipements maison » jugés obsolètes ou peu performants. Selon une enquête menée par la société informatique VMware (1), un tiers des salariés (32 %) serait prêt à contourner les consignes des DSI et utiliser leurs propres ordinateur ou tablette. Une proportion identique se dit même prête à quitter son entreprise se elle est empêchée de travailler son leur ordinateur ou sa tablette personnelle !

    Les informaticiens doivent donc composer avec l’existence d’un parc informatique parallèle qui leur échappe en partie. Et les managers de l’information doivent revoir leurs classiques pour se mettre à jour.

    Questions d’ordre organisationnel

    Au final, la gouvernance de l’information à l’ère de la mobilité dépasse de loin la seule dimension informatique. Elle pose également des questions d’ordre organisationnel : que deviennent les données utilisées par un salarié sur son ordinateur personnel le jour où il quitte l’entreprise ? Faut-il changer les référentiels métier et les règles de gestion ? Faut-il imposer aux salariés des protocoles de sécurité supplémentaires ? De toute évidence, la réponse ne viendra pas des seuls informaticiens.

     

    (1) Etude réalisée par le cabinet Vanson Bourne pour le compte de VMware auprès de 250 DSI et 500 salariés français (avril 2013).

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    + repères

    Smartphones et tablettes, nouveaux terrains de chasse des hackers

    Avec l’explosion des usages, les smartphones et les tablettes sont en passe de devenir l’une des proies préférées des pirates informatiques. Année après année, les logiciels malveillants visant les terminaux mobiles augmentent à mesure que nous utilisons téléphones mobiles et tablettes. Et ces risques s’accroissent à la faveur du phénomène BYOD (Bring your own device) qui pousse les salariés à utiliser leurs propres terminaux dans l’entreprise. Facteur aggravant : nous prenons beaucoup moins de précautions pour protéger nos téléphones et nos tablettes que nous ne le faisons pour nos ordinateurs.

    Résultat : les appareils équipés du système d’exploitation Android (85 % du marché des mobiles) sont particulièrement visés par les pirates. Le nombre d’attaques mensuelles a été multiplié par dix entre août 2013 et juillet 2014 selon une étude réalisée par la société de sécurité informatique Kapersky Labs.

    Pour les spécialistes de la sécurité informatique, la majorité des entreprises n’a pas suffisamment pris conscience des risques encourus.

    Un constat qui a poussé l’Anssi (Agence nationale de sécurité des systèmes d’information) à publier une série de recommandations à destination des professionnels : 

    • ne charger sur son terminal mobile que les informations indispensables à la mission ;
    • apposer un filtre de précaution sur l’écran, utiliser des mots de passe forts ;
    • utiliser un logiciel de chiffrement pendant le voyage ;
    • ne pas introduire une clé USB reçue en cadeau… 

    Ces recommandations sont consignées dans un « passeport » librement téléchargeable (Passeport de conseil aux voyageurs – Partir à l’étranger avec son téléphone, sa tablette ou son ordinateur portable ; disponible sur ssi.gouv.fr).

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    Êtes-vous prêts à renoncer à des services numériques ou à vos appareils électroniques pour le bien commun ? Face à l'urgence climatique, notre rapport au progrès et à la technologie est souvent remis en question. Archimag Podcast a rencontré Alexandre Monnin, philosophe, directeur du master Sciences, Stratégie et Design pour l’Anthropocène à l’ESC Clermont Business School et auteur de l'ouvrage "Politiser le renoncement", aux Éditions Divergences. Il est aussi co-initiateur du courant de la redirection écologique, dont il nous explique le principe.
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