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Au sommaire :
- Dossier : le KM dans le monde d'après
- « Reconstruire le partage des connaissances au profit de l’entreprise est un vrai enjeu » : entretien avec Aurélie Dudézert, experte de la transition digitale, de la gestion des connaissances et des transformations du monde du travail
- Dépasser des obstacles culturels pour le partage des connaissances : les éditeurs de solutions livrent leurs conseils
- Capitaliser les connaissances dans un mode de travail hybride : les points à retenir pour adapter sa stratégie KM
- Le succès d’un programme KM selon Framatome : retour d’expérience sur un projet lancé en 2017
En l’espace de quelques semaines seulement, la pandémie de Covid-19 a réussi l’exploit de bouleverser de fond en comble le monde du travail. D’abord avec le télétravail qui s’est révélé indispensable lors des confinements de 2020 et qui est devenu une pratique régulière pour de nombreux salariés qui officient désormais en travail hybride.
Ensuite, avec le phénomène de "grande démission" : fin 2021 et début 2022, le nombre de démissions a atteint un niveau historiquement haut, avec près de 520 000 démissions par trimestre, dont 470 000 de CDI. Enfin, avec un taux de turn-over (rotation des collaborateurs au sein de l’entreprise) qui, selon le cabinet Hays, est en hausse constante depuis dix ans (+ 66 %).
Le turn-over est un facteur naturel dans la vie des organisations "mais lorsque ce taux devient trop élevé (supérieur à 15 %), il peut avoir un impact négatif sur le moral de vos équipes, la productivité et le chiffre d’affaires. Non seulement il démotive, mais il coûte cher à l’entreprise", explique une spécialiste des ressources humaines.
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Tous ces phénomènes conjugués ont également un impact sur la gestion des connaissances au sein des organisations. Dans un monde en mouvement perpétuel, comment les entreprises peuvent-elles constituer un capital informationnel stable et fiable ? Comment peuvent-elles le transmettre à leurs collaborateurs lorsque ceux-ci sont dispersés aux quatre coins de la France et parfois du monde ? Comment assurer le transfert des connaissances entre les partants et les arrivants ?
L’organisation doit être proactive
Écartons d’emblée la question des outils : ça n’est pas une question de logiciels, tant les solutions de knowledge management sont nombreuses sur le marché. D’abord réservées aux grands comptes, elles se sont ensuite répandues dans les structures plus modestes et sont désormais utilisées par les collaborateurs de tous niveaux.
Le travail hybride ou à distance est donc aujourd’hui à la portée de toutes les organisations, dès lors que les postes de travail sont éligibles.
"Le sujet du travail hybride ne constitue plus un obstacle aujourd’hui, car après cette pandémie 2019-2022, les salariés et les organisations ont bien absorbé les évolutions sur la modalité d’intervention", constate Alain Berger, directeur général d’Ardans, un éditeur spécialisé dans les solutions dédiées à la gestion des connaissances. "Pour réussir un transfert de connaissances, il convient toujours de considérer un certain nombre de points :
- l’émetteur ou le sachant ;
- le domaine métier ;
- le receveur ou l’apprenant ;
- le dispositif retenu pour les modalités ou le protocole de knowledge transfer ;
- le résultat physique qui consigne le contenu formalisé du transfert réalisé et en parallèle l’évaluation sur l’acquisition des connaissances par l’apprenant ;
- le protocole de maintien et d’actualisation du patrimoine initialisé ;
- les moyens disponibles pour réaliser et suivre le bon déroulement de l’activité.
L’action de capitalisation ou de transfert n’est pas forcément facile dans un contexte de démission. C’est pour cela que l’organisation doit être proactive sur le sujet et anticiper sur ce qui peut devenir un risque majeur."
Bases de connaissances RH
Si la démarche proactive est plébiscitée dans de nombreuses organisations, la faire vivre au quotidien est plus difficile. En particulier, lorsque la gestion des connaissances doit se décliner à grande échelle : "dans le domaine des grandes entreprises, nous préconisons des responsables des bases de connaissances RH. Ce sont des experts en ressources humaines qui maîtrisent les outils digitaux", explique Jérôme Ménard, directeur des nouvelles technologies au sein de l’éditeur Neocase. "Ils seront responsables du contenu, mais également de l’analyse des usages, des comportements des utilisateurs pour identifier les contenus manquants ou mal indexés et travailler en amélioration continue".
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Les compétences liées aux bases de connaissance sont développées dans ces grands groupes, mais ce n’est pas le cas dans les entreprises de taille moyenne ou petite. "Le recours à ces outils est pourtant primordial", estime Jérôme Ménard. "Les IA génératives proposent d’intégrer dans leur LLM (large language model) les données des entreprises. La gouvernance des données (sécurité et permissions) doit cependant être rigoureusement définie au niveau des acteurs internes".
IA générative et amélioration de l’accessibilité
Face à ces défis, les éditeurs ne cessent d’enrichir leurs solutions de nouvelles fonctionnalités. Sans surprise, l’intelligence artificielle y tient un rôle de premier plan.
"Les IA génératives savent prendre en compte les particularités des employés comme celles du droit social et des accords d’entreprise", souligne-t-on chez Neocase. "Elles peuvent être utilisées pour répondre aux questions des employés et assister les gestionnaires RH".
Cependant, il apparaît que les IA manquent encore de maturité. Il est important de les intégrer avec précaution pour ne pas générer des réponses erronées pouvant mettre en situation de risque l’employé et l’entreprise. Car le Code du travail est vaste et il existe de nombreux cas particuliers.
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"Un autre axe d’amélioration est l’accessibilité", précise Jérôme Ménard, de Neocase. "Des salariés ayant des fonctions manuelles sont souvent “deskless” (sans bureau). L’accès à ces bases de connaissances doit être rendu possible au travers de téléphones mobiles, par exemple. L’expérience est la clé".
D’autres explorent la voie de l’ergonomie : "pour nous, l’obsession est de mettre à disposition des utilisateurs des modules simples et intuitifs. Cela passe par une ingénierie profonde appliquée au processus métier", note Alain Berger, le directeur d’Ardans, qui a consolidé son moteur par des modules d’analyse sémantique de la base de connaissance "en temps réel". "L’apport de techniques d’intelligence artificielle est une assistance, car c’est l’humain qui prend la responsabilité de valider ses contributions (contenus ou liens)."
Norme ISO 30401:2018
Lors d’une journée d’étude qui s’est tenue au mois de juin dernier au Cnam, les spécialistes de la gestion des connaissances ont planché sur des questions très concrètes : comment devenir knowledge manager ? Comment traiter les situations difficiles de ce métier en évolution permanente ?
Une norme internationale (ISO 30401:2018) est venue valider cette profession aux intitulés divers : knowledge manager (ou gestionnaire de la connaissance), chief knowledge officer (ou directeur de la connaissance), knowledge engineer (ou ingénieur de la connaissance)...
Pour le groupe Bassetti, éditeur de logiciels, la norme ISO 30401:2018 vise plusieurs objectifs : "elle permet de renforcer l’importance du management de connaissances dans l’atteinte des objectifs généraux de l’entreprise et de légitimer les actions KM en y allouant plus de ressources et de soutien. Elle place l’individu au cœur de la démarche en tant que créateur de la connaissance, transmetteur, porteur et utilisateur (…) Ces différents points représentent également de bons arguments pour convaincre les différents acteurs de la démarche. Cela fait en effet partie des défis majeurs dans la mise en place d’un KMS (knowledge management system) intégré, dont le fonctionnement dépend de la bonne volonté des managers, de la direction, et des autres collaborateurs engagés".
Des organisations dénuées de profils KM
Du côté du Club Gestion des Connaissances (GC), on estime que "le knowledge management n’est pas quelque chose qui est juxtaposé au fonctionnement d’un organisme. Il est intégré à son fonctionnement. Un organisme peut être vu comme un système : un ensemble de constituants organisés collaborant dans un but défini".
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Il est généralement décrit par son système qualité. Le KM est un sous-système qui vient le compléter. Le GC plaide pour une approche globale dont le but est de fédérer toutes les actions KM dans une construction pérenne et cohérente avec la norme ISO 30401:2018.
Cette approche est organisée autour de huit processus, dont cinq concernent précisément le patrimoine de connaissances : sa structuration et sa gestion, avec le recueil, la formalisation, la validation, le recensement et l’application des connaissances utiles de l’organisme.
Deux autres processus traitent du KM dans les activités opérationnelles de l’organisme : utilisation dans les processus opérationnels, l’acquisition, et le partage. Enfin, un dernier processus décrit les activités de pilotage et d’amélioration continue du système KM : définition des enjeux et des objectifs, des parties prenantes, du programme de revues et audits, des revues de direction, des actions d’amélioration continue.
Mais selon Alain Berger, d’Ardans, la réalité sur le terrain semble éloignée des ambitions affichées par cette norme : "les organisations sont pauvres, voire dénuées de ces profils aujourd’hui. Nous constatons avec intérêt que nos clients s’engagent vraiment dans la démarche de management de la connaissance et font le nécessaire pour se doter de talents sur ces trois niveaux de profils (gestionnaire de la connaissance, directeur de la connaissance, ingénieur de la connaissance) en les formant et en leur permettant d’être accompagnés sur des opérations concrètes internes."