« il n’y a pas d’e-réputation, mais bien une réputation globale avec une composante numérique »

« je me base de plus en plus sur des outils et méthodes d’analyse cartographique » Frédéric Martinet. DR

 

Vous êtes consultant en intelligence économique ; quel parcours vous a-t-il amené à cette activité ?

Frédéric Martinet: Cela fait maintenant une dizaine d’années que je travaille dans les métiers de l’intelligence économique et de la veille et que j’exerce également, très accessoirement, une activité d’enseignement autour de l’intelligence économique, de la veille et de la recherche d’information.

En sortant de la fac, mon DESS d’intelligence économique en poche, j’ai lancé un site web pour partager ma veille quotidienne sur l’intelligence économique. Après plusieurs changements de noms, ce site a évolué et est devenu Actulligence.com.

Fin 2009, après des années de travail en tant que salarié j’ai décidé de lancer ma propre activité et depuis maintenant deux ans je développe l’activité de la société Actulligence Consulting dont je suis le gérant et qui accompagne les entreprises dans la mise en place, l’évaluation ou l’évolution de leurs processus et dispositifs de veille et d’intelligence économique. Cela fait donc deux ans que ma vie professionnelle a pris tout son sens en me permettant d’exercer un métier qui me passionne en toute liberté. Parallèlement, je suis plutôt actif sur les médias sociaux.

Vous portez un jugement très dur sur la curation, pourquoi ?

J’ai en effet titré un de mes billets La curation, c’est de la merde (1). Ce que je dénonce, c’est le concept commercial dont se sont emparés certains « vendeurs » de solutions de curation en ligne, sans aucun respect de ceux qui, justement, au quotidien, donnent de leur temps pour écrire et partager de l’information, de la réflexion. On veut donner l’illusion d’une e-réputation personnelle facile, construite à la va-vite et reposant sur des mécaniques techniques de captation de trafic.

En soi, la curation est une pratique qui existe depuis des siècles. Revue ou panorama de presse et veille recouvrent certains aspects de la curation. La promotion de ce terme a fortement été positionnée sur les outils et non pas sur la pratique.

Si effectivement le titre de mon article est volontairement provocateur, les arguments que j’y développe - et ses commentaires - sont solides et reflètent ma préoccupation d’un web dont les acteurs seraient soucieux de promouvoir la création et la différenciation des idées et des contenus et non pas de favoriser le parasitisme.

Portez-vous le même jugement sur l'e-réputation ?

L’e-réputation souffre à mon sens d’un postulat de base erroné : il n’y a pas d’e-réputation, mais bien une réputation globale avec une composante numérique.

Vouloir soigner son e-réputation alors que ses produits son mauvais, que son service est déplorable ou bien que l’on est une personne ayant peu de considération pour les autres est une hérésie. Ne pas traiter le mal à la base n’a pas de sens et ne peut être qu’une vision à court terme de la construction de sa réputation en ligne.

Là encore, nombreux sont les marchands essayant de vous faire croire que votre présence sur tel ou tel média social provoquera l’adoration des foules pour vous ou votre marque. Il existe heureusement des prestataires œuvrant dans l’e-réputation qui n’ont pas peur de prendre en considération l’ensemble du problème. Ils n’hésitent pas à se frotter aux équipes de vente ou de relation clients pour travailler à une amélioration de la e-réputation durable en passant par un progrès de la qualité des service et des produits.

La e-réputation semble attirer de nombreuses vocations, qu’en pensez-vous ?

En effet la e-réputation, côté prestataires de service, regroupe aujourd’hui des dizaines de métiers et de types d’acteurs bien différents : référenceurs, web marketeurs, web agencies, community managers, social media monitoring softwares and dashboards, « nettoyeurs »… Il y a comme dans tout nouveau marché une phase de structuration et de rationalisation. Espérons que la « main invisible » saura trier le bon grain de l’ivraie.

E-réputation, personal branding… Quel rapport établissez-vous entre ces termes et la démarche de veille ?

Je n’apprécie pas particulièrement le terme personal branding. Il met l’individu en situation de produit « marketable » au détriment parfois des valeurs individuelles. En caricaturant, pour être une marque vendable, montrez-vous comme ceux auprès de qui vous voulez vous vendre veulent que vous soyez. Quelle horreur ! Un individu se doit d’avoir une personnalité avant tout.

Pour ma part, je travaille sur une petite partie de l’e-réputation, la partie veille (social media monitoring). Je ne fais pas de préconisation à mes clients sur la façon dont il faut être présent dans les médias sociaux. Je me contente de leur apporter les clés de lecture de leur environnement sur ces médias.

Cette partie monitoring de l’activité e-réputation est fortement corrélée à la veille :

surveiller l’environnement numérique pour collecter de l’information relative à la marque, aux produits, à l’entreprise. On essaie de décrypter les écosystèmes numériques, les communautés et leurs interactions. On travaille également à l’optimisation des processus de diffusion de l’information.

Si je me considère comme faisant partie des prestataires intervenant dans le monde de l’e-réputation, c’est uniquement sur cette partie monitoring et analyse directement issue des méthodologies de veille.

Quels outils privilégiez-vous dans vos démarches ?

Je préconise quasi systématiquement la mise en place d’outils de collecte de l’information. Chaque proposition d’outils dépend des facteurs volumétriques, de la zone géographie et linguistique à observer - ce dernier point étant un facteur très discriminant.

Je me base aussi de plus en plus sur des outils et méthodes d’analyse cartographique qui permettent de visualiser des réseaux de sites ou de comptes sociaux. On sort ainsi de l’analyse trop subjective en pouvant traiter et donner du sens à des volumétries importantes d’interactions, de contenus.

Tout ceci sans perdre de vue l’essentiel : le travail en très étroite collaboration avec les clients.

Voir le dossier complet d'Archimag N° 253: E-réputation: comment être intouchable

(1) Frédéric Martinet. La curation, c’est de la merde. Billet du 8 avril 2011 sur Actulligence.com: www.actulligence.com/2011/04/08/curation-egal-merde/

Les podcasts d'Archimag
Rencontre avec Stéphane Roder, le fondateur du cabinet AI Builders, spécialisé dans le conseil en intelligence artificielle. Également professeur à l’Essec, il est aussi l’auteur de l’ouvrage "Guide pratique de l’intelligence artificielle dans l’entreprise" (Éditions Eyrolles). Pour lui, "l’intelligence artificielle apparaît comme une révolution pour l’industrie au même titre que l’a été l’électricité après la vapeur".