Tous les métiers mènent au document

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Documentaliste, veilleur, archiviste, knowledge manager, bibliothécaire ? Les professionnels de l’information pratiquent une hétérogénéité de compétences et de métiers mais convergent.

Ce sont des professionnels auxquels on demande de plus en plus de savoir faire puisqu’ils doivent faire preuve tout à la fois de compétences techniques, organisationnelles, managériales, ils doivent également maîtriser un minimum les Tic, les différents aspects du droit de la propriété intellectuelle et avoir de réels talents de communication et de travail en équipe ». Pour Clotilde Vaissaire, consultante, enseignante et formatrice en infodoc, les métiers du domaine requièrent des compétences de plus en plus larges. S’éloignant progressivement de la fiche de poste pour se rapprocher du cycle de vie du document et de la relation avec l’usager, le quotidien du professionnel de l’information illustre la confluence de métiers qui, somme toute, répondent à une même problématique : comment collecter, analyser et diffuser l’information. La différence réside dans le positionnement au sein de ce circuit, en amont pour le veilleur et en aval pour le webmestre,  par exemple.

Penchons-nous sur le portrait de six jeunes professionnels apportant chacun un éclairage différent sur la convergence des métiers, mais présentant des caractéristiques communes de curiosité intellectuelle et de sens de l’adaptation.

Sophie Anselin, de l’audit documentaire au système d’information

Arrivée au sein du Réseau entreprendre en 2004 pour son stage de fin de DESS SIE (stratégie de l’information en entreprise), Sophie Anselin, âgée de 31 ans, n’a plus quitté cette association d’aide à la création d’entreprise, sise à Roubaix et fédérant 40 associations françaises. Seulement voilà, arrivée dans le cadre d’une mission infodoc stricto sensu – « mon stage consistait en l’audit et la formulation de préconisations pour la refonte de l’intranet, et optimiser ainsi la mise à disposition de l’information pour les salariés » – se remémore la jeune Lilloise, elle est désormais chef de projet sur le système d’information. « Mais je suis la seule à travailler sur le SI », complète-t-elle. Recrutée « notamment car il fallait quelqu'un derrière un outil où il n’y avait personne », explique avec modestie Sophie Anselin, ce système d’information correspond à une base de données développée en interne et assurant gestion des adhérents, des contacts, des événements… Si elle estime un peu frustrant de ne pas avoir réellement l’occasion de mettre en oeuvre ses compétences en doc, « les aspects méthodologiques de la gestion de projet, assez centraux dans le DESS, m’ont été très utiles ».

Thibaut Balanger, l’attrait du service public culturel

« Le monde des archives me plaît énormément et s’avère complètement opposé à la perception poussiéreuse que les gens en ont généralement ». Thibaut Balanger, valdoisien de 25 ans et employé aux archives départementales du Val-d’Oise depuis près d’un an, n’était pourtant pas spécialement destiné aux tableaux de gestion et autres bordereaux de versement : diplômé d’un BTS de commerce international, il exerçait depuis novembre 2007 les fonctions d’agent de bibliothèque au sein du réseau de lecture publique de la vallée de Montmorency. « Ayant toujours beaucoup aimé lire et souhaitant transmettre ce goût », il y exerçait essentiellement une activité de médiation et de conseil auprès d’un public spécifique « composé surtout de jeunes et de personnes âgées ». Estimant les fonctions davantage techniques d’indexation et de catalogage pour lesquelles il fut formé « intellectuellement stimulantes », c’est pour fuir la précarité des contrats à durée déterminée qu’il décide de postuler à une offre de magasiner pour les services d’archives du Vald’Oise. Pour Thibaut Balanger, ce sont moins autour des technologies qu’autour du désir de service public culturel que convergent les métiers de l’infodoc.

Béatrice Cacace, de la veille à la gestion des connaissances

Comme beaucoup de gestionnaires de l’information, la doc ne s’est pas immédiatement imposée à Béatrice Cacace : « Je suis rentrée à l’EBD (École de Bibliothécaires-Documentalistes (Paris)) à l’issue de ma maîtrise d’histoire. Ne souhaitant pas enseigner, j’avais identifié le domaine de l’infodoc comme étant le plus proche de mon goût pour la réflexion et la recherche d’information ». Knowledge manager chez l’éditeur de jeu vidéo Ubisoft depuis près de deux ans – « nous sommes trois équipes KM, soit environ une vingtaine de personnes pour 6200 collaborateurs dans une trentaine de pays » –, la jeune femme y souligne l’aspect capital des référentiels induit par de telles dimensions : « Et c’est entre autre mon expérience en termes de construction et de gestion de thésaurus qui a joué en faveur de ma candidature ». L’occasion pour elle de souligner la grande polyvalence de l’enseignement dispensé par l’EBD « au cours duquel j’ai progressivement identifié que c’était surtout la veille qui me plaisait ». C’est donc dans ce domaine que Béatrice Cacace met un premier pied dans le métier, chez LVMH, et utilise à cette occasion les outils de veille mis au point par Digimind… qui l’embauche à l’automne 2007. Mais pourquoi ce passage de la veille au KM? « Le consulting en veille ne permet pas vraiment d’intégrer un projet dans son ensemble, explique la jeune femme. Je souhaitais dépasser l’aspect technicien recherche-diffusion et m’inscrire dans un contexte plus large, avec un rôle décisionnel, ce que permet le travail au sein de la cellule KM ».

Élise Chomienne, interface entre information et usager

Parisienne d’origine et bordelaise de coeur et d’adoption, Élise Chomienne, depuis plus de cinq ans chargée de la formation et de l’accompagnement aux usages numériques à l’université de Bordeaux 3 Michel de Montaigne, présente de son propre aveu un profil atypique. « Ayant commencé à travailler très tôt dans le milieu du livre, je n’ai passé mon bac qu’à 23 ans et j’ai embrayé avec un DUT métier du livre », explique la jeune femme de 34 ans. Recrutée par l’IUFM à la sortie de l’IUT, Élise Chomienne y gère le centre de ressources documentaires, s’interroge sur des problématiques de veille et, « étant la plus à l’aise avec les technologies », organise des formations autour de l’usage des platesformes numériques. Notamment chargée de proposer des outils innovants s’intégrant à ce qui est déjà à disposition du public universitaire, ainsi que de faire gagner ce dernier en autonomie, elle résume ses fonctions actuelles par « un rôle d’interface : donner les moyens à ce public spécifique de trouver la bonne info au bon moment ». Malgré son aisance à les utiliser, « les outils me sont dans le fond un peu égal », confie Élise Chomienne. À l’inverse des bases de la technique documentaire, qui ont « constitué pour moi une sorte de déclic, j’ai beaucoup aimé le catalogage, ça m’a étonné moi-même », lâche la jeune femme avec un brin de complicité.

Aurélie Duclos : « travailler sur beaucoup de choses différentes »

Aurélie Duclos, bretonne de 27 ans expatriée épanouie à Lille, est une des six geemiks, ces médiathécaires de Skema Business School [anciennement ESC Lille] pour lesquelles le qualificatif d’innovantes relève de l’euphémisme. Diplômée d’un mastère 2 de gestion de l’information – « je me suis rendu compte que ce que j’aimais tournait à la fois autour des métiers du livre et des nouvelles technologies » –, la jeune femme occupe depuis plus de deux ans les fonctions d’information and community manager au sein de l’établissement d’enseignement supérieur nordiste, « petit monde dynamique et recelant de personnes motivées; la possibilité de travailler sur beaucoup de choses différentes me plaît beaucoup ici ». Et pour cause. Sa fonction consiste, outre les tâches bibliothéconomiques, à former les étudiants aux outils et usages de l’information, mais aussi à animer la communauté thématique – à chaque geemik sa spécialité – dédiée au management de projet et à la logistique. « C’est également moi qui, par goût personnel, suis plus ou moins référente pour tout ce qui est informatique et logiciels. En ce moment, nous migrons notre SIGB vers Koha et projetons de faire évoluer notre site web », explique Aurélie Duclos qui, avant d’être définitivement embauchée, a réalisé près de dix mois d’audit et de modélisation au sein d’une SSII toulousaine spécialisée dans l’aéronautique. Une expérience illustrant parfaitement le jugement qu’elle porte sur les métiers de l’infodoc « qui donnent accès à des quotidiens de travail bien différents selon les entreprises et les secteurs d’activité »

Lucile Robert, Ged et KM, facettes techno et humaine

 

« Mon stage de fin de mastère au Cété Nord-Picardie [bureau d’ingénierie publique], poursuivi par plusieurs contrats à durée déterminée, a consisté en un gros travail de KM, explique Lucile Robert ; avec deux facettes : une très techno autour de l’outil Livelink gérant des référentiels métier différents – urbanisme, industrie... –, et une très humaine avec audit et recueil de connaissances expertes ». Ne se voyant pas proposer de contrats à durée indéterminée, elle trouve alors un poste de chargée de Ged dans une grosse entreprise pharmaceutique – « qui venait de s’équiper de la solution Zedoc et avec laquelle il s’agissait de prendre en charge une documentation nativement dématérialisée et présentant d’importantes contraintes réglementaires ». Depuis près de deux ans, elle est formatrice sur une des premières plate-forme d’e-mailing du marché, Experian Cheetahmail. Certes l’apprentissage puis la maîtrise d’un outil spécifique – et souvent la formation à son usage par la suite – caractérise chaque étape de son parcours professionnel avec Livelink puis Zedoc et enfin les technolog es Experian Cheetahmail. Ce n’est pourtant pas le point de confluence que Lucile Robert estime déterminant entre ces expériences, préférant souligner curiosité intellectuelle, sens de l’adaptation et volonté d’évolution.

Les podcasts d'Archimag
Êtes-vous prêts à renoncer à des services numériques ou à vos appareils électroniques pour le bien commun ? Face à l'urgence climatique, notre rapport au progrès et à la technologie est souvent remis en question. Archimag Podcast a rencontré Alexandre Monnin, philosophe, directeur du master Sciences, Stratégie et Design pour l’Anthropocène à l’ESC Clermont Business School et auteur de l'ouvrage "Politiser le renoncement", aux Éditions Divergences. Il est aussi co-initiateur du courant de la redirection écologique, dont il nous explique le principe.