Cet article est issu du dossier "Les archivistes passeurs de culture" du numéro d'octobre 2019 d'Archimag. Voici le sommaire du dossier :
- Archives et culture : quand les archivistes contribuent à la création d'oeuvres et d'événements
- Jessica de Bideran : "les archivistes ne sont pas suffisamment formés à la médiation"
- Institut national du patrimoine : la médiation par l'éducation artistique et culturelle
- Comment les archivistes des Archives de Paris valorisent le patrimoine auprès du public
- Être archiviste pour la télévision : dans les coulisses de l'émission Rembob'Ina
- Maxime Courban, archiviste iconographe au croisement de plusieurs métiers
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Un registre, trois cahiers et un manuscrit. C’est ce que Patrick le Hyaric, le directeur du journal l’Humanité, a remis à Robert Clément, alors président du conseil général de la Seine–Saint-Denis, à Bobigny, en octobre 2003.
Le registre en question n’est pas banal : il rassemble les assemblées générales des actionnaires de l’Humanité de 1906 à 1956. Les trois cahiers non plus, puisqu’ils répertorient les procès dont le journal fut l’objet de 1950 à 1962. Enfin, le manuscrit a été rédigé à la main par Gabriel Péri, ancien député et responsable de la rubrique de politique internationale de l’Huma, qui fut fusillé par les nazis.
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"Les archives de l'Humanité en de bonnes mains"
Ces documents font partie des 450 mètres linéaires d’archives et de près de trois millions de clichés qui ont été déposés par le journal fondé en 1904 par Jean Jaurès aux archives départementales (AD) de la Seine–Saint-Denis.
Cet événement est historique pour la presse française, puisque c’est la première fois qu’un quotidien national toujours en activité met la quasi-totalité de ses archives au service de la recherche scientifique.
« Les archives de l’Humanité en de bonnes mains », pouvait-on lire dans l’Huma le 20 octobre 2003.
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Un travail titanesque
C’est l’année suivante, en 2004, que Maxime Courban entre aux AD de la Seine–Saint-Denis pour un CDD de six mois afin de réaliser le récolement d’une partie de ce fonds. Le jeune homme, autodidacte et passionné d’histoire et de photographie, ne quittera plus ces archives.
« Elles sont arrivées non classées », se souvient-il ; « il a d’abord fallu réaliser un travail titanesque pour circonscrire la masse de documents et ainsi répondre aux iconographes du journal ».
2 000 images sont alors sélectionnées, puis numérisées pour satisfaire les premiers besoins, qui n’attendent pas : l’Humanité célébrant cette année-là son centenaire, une exposition est organisée aux AD dès le mois de juin : « L’Humanité au quotidien ».
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Trou noir d’archives
Le contrat de Maxime Courban est reconduit d’année en année. En 2010, il obtient sa licence en documentation audiovisuelle au Cnam avant de réussir le concours lui permettant d’intégrer la collectivité territoriale.
« Les dix premières années ont été essentiellement dédiées à l’inventaire », se souvient l’archiviste iconographe aujourd’hui responsable du secteur des documents figurés.
Avec le temps, Maxime Courban et son équipe se sont organisés : il tient notamment des dossiers de nécrologies sur des personnalités publiques.
« Quand il y a une demande, je dois y répondre très rapidement », explique-t-il ; « je dois faire la sélection, sortir les tirages et les numériser au plus vite. Autant m’avancer quand je le peux ».
Expositions, livres...
L’archiviste iconographe a également collaboré à différentes expositions telles que « Instantanés d’Humanité » qui s’est tenue aux AD de la Seine–Saint-Denis en 2008 à l’occasion des quarante ans de mai 68 ou encore « Photographie, arme de classe », qui s’est déroulée au Centre Pompidou l'an dernier.
Mais son plus gros travail a été sa collaboration à la création de l’ouvrage « L’Humanité, figures du peuple », écrit par Danielle Tartakowsky et Gérard Mordillat et paru en 2017 aux Éditions Flammarion. « L’éditrice faisait le travail d’iconographe et moi je lui faisais des propositions », se souvient-il ; « c’était passionnant ».
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Archiviste au croisement de plusieurs métiers
S’il se considère d’abord comme un archiviste, Maxime Courban reconnaît que sa formation ne l’a pas vraiment préparé à de telles missions, plutôt atypiques :
« J’exerce des fonctions très spécifiques, au croisement de plusieurs métiers », explique-t-il. Ses différentes activités ont également nourri ses réflexions concernant la numérisation des fonds dont les professionnels comme lui ont la charge :
« Nombre de chercheurs et d’étudiants ne se déplacent plus en salle de lecture, se contentant de travailler sur les corpus déjà numérisés », explique-t-il, regrettant qu’un grand trou noir d’archives soit généralement ignoré des spécialistes.
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« L’ensemble des fonds dont je m’occupe représentent environ 4 millions d’images pour seulement 120 000 images numérisées », explique-t-il ; « ce n’est pas grand-chose ! ».