le Lion et les Chevrons : deux siècles et 3,5 kilomètres d’archives

« Pour PSA, l’histoire d’une entreprise ne se réduit pas à sa production industrielle. Toutes ses archives font partie de la marque au même titre que nos véhicules » DR

 

PSA Peugeot Citroën vient d’inaugurer un centre d’archives dans son berceau en Franche-Comté. Deux siècles d’histoire industrielle s’expriment à travers documents techniques, collections iconographiques et mémoire orale. Un patrimoine qui va bien au-delà du monde de l’automobile.

L’année 2010 est à marquer d’une pierre blanche pour le groupe PSA : la maison Peugeot célèbre son bicentenaire et inaugure son centre d’archives sur les terres historiques de la famille homonyme à Hérimoncourt dans le Doubs. En 1810, Peugeot n’était alors qu’un modeste atelier de fonderie fournissant des pièces d’acier aux nombreuses manufactures d’horlogerie de la région. C’est en 1890 que l’affaire familiale se tourna vers la construction automobile sous l’impulsion d’Armand Peugeot qui, en visionnaire, entrevit l’essor de l’automobile « sans chevaux ». Dès lors, le développement du groupe PSA Peugeot Citroën n’a jamais cessé, en France comme à l’étranger, au point d’accumuler de volumineuses archives : « 200 ans d’histoire, ce sont 350 000 boîtes de documents !, souligne Mathieu Viot, responsable du centre d’archives de Terre Blanche à Hérimoncourt; ces archives furent longtemps dispersées sur les différents sites du groupe avant d’être rassemblées ici. Terre Blanche, qui était naguère un site industriel, a été reconfiguré en centre d’archives et ses salles de conservation ont été mises aux normes de température et d’hygrométrie selon les préconisations des Archives de France ».

jusqu'à 50 palettes par jour

Le volume d’archives est d’autant plus important qu’il s’est constitué au fur et à mesure des rachats successifs de marques qui sont tombées dans l’escarcelle de PSA : Simca, Talbot et la mythique Panhard & Levassor… Avec une capacité de 8 kilomètres linéaires, le site de Terre Blanche dispose désormais d’une structure en mesure d’accueillir la production documentaire du groupe automobile. À ce jour, 3,5 kilomètres sont déjà occupés au rythme de versements qui peuvent atteindre jusqu’à 50 palettes par jour. Les collections archivées par le groupe PSA Peugeot Citroën sont particulièrement hétérogènes. S’il n’est pas étonnant d’y trouver moult documents techniques et administratifs – plans, calques, registres de comptabilité… – la surprise provient du considérable fonds iconographique et audiovisuel : plus de 1,8 million de photographies, 9 000 plaques de verre, 277000 diapositives, 11 400 bandes magnétiques et 4 000 films argentiques.

Cartier-Bresson, Doisneau ...

À la quantité, il convient d’ajouter la qualité puisque quelques-uns des maîtres de la photographie du XXe siècle ont accepté de produire des clichés à la demande des marques du groupe : Henri Cartier-Besson, Robert Doisneau et, plus récemment, Sebastião Salgado ont ainsi immortalisé la vie ouvrière sur les chaînes d’assemblage. L’intérêt de cette collection photographique dépasse de loin le seul secteur automobile ; elle est le miroir de ce que fut une industrie française tout au long du siècle dernier. Les historiens y puiseront avec intérêt des informations sociales et iconographiques sur le développement de l’industrie automobile. Cette culture photographique correspond, selon Mathieu Viot, à un credo : « Pour PSA, l’histoire d’une entreprise ne se réduit pas à sa production industrielle. Toutes ces archives font partie de la marque au même titre que nos véhicules ». Les 13 500 affiches participent, elles aussi, de l’aventure de l’automobile commencée au XIXe siècle. Les peintres, publicistes et dessinateurs ont saisi la fièvre technologique et la ferveur populaire qui accompagna les balbutiements de l’automobile. Les courbes élégantes de la Peugeot 402 passèrent ainsi à la postérité grâce à une affiche qui vantait ce « chef d’oeuvre de la techn que moderne ».

sauvegarde digitale

Qu’il s’agisse de plans techniques, de photographies ou d’affiches, ces documents ne sont pas épargnés par les risques de dégradation. Afin d’assurer leur pérennité, un atelier de numérisation procède à leur sauvegarde digitale. À ce jour, plus de 9 000 pages ont été numérisées y compris les affiches grand format qui sont traitées dans un studio photographique. En revanche, certaines collections échappent par nature à toute numérisation. Il s’agit des véhicules dont plusieurs centaines de modèles sont entreposés dans un hangar qui jouxte le centre d’archives : des premiers modèles aux limousines blindées en passant par des prototypes aux formes futuristes jusqu’au célèbre taxi qui inspira le film tourné dans les rues de Marseille. Les amateurs de mobilier y trouveront également leur bonheur avec des pièces et des objets témoignant de l’activité des marques PSA. On y trouve en particulier le vaste et robuste bureau sur lequel Jean Panhard concevait ses véhicules.

mémoire orale

La mémoire d’une entreprise qui célèbre ses deux cents ans ne saurait se limiter à un traitement archivistique traditionnel. Les archivistes du groupe PSA Peugeot Citroën ont souhaité valoriser une mémoire orale grâce à la collecte de témoignages des salariés de l’entreprise. Pendant près de quatre ans, ils ont ainsi recueilli les propos des dirigeants des groupes mais aussi ceux des ouvriers. Ce recueil de la mémoire orale a été conçu sous l’autorité de Laurens d’Albis, concepteur du centre d’archives de Terre Blanche, qui a interrogé les témoins sur de nombreux thèmes : lancement de nouveaux modèles, concurrence, études, compétition automobile… L’ensemble de ces témoignages permet d’accéder à une vision historique des décisions stratégiques prises par les différents dirigeants du groupe. Il redonne vie, également, à des métiers aujourd’hui disparus. À ce jour, près de soixante entretiens filmés ont été réalisés.

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Êtes-vous prêts à renoncer à des services numériques ou à vos appareils électroniques pour le bien commun ? Face à l'urgence climatique, notre rapport au progrès et à la technologie est souvent remis en question. Archimag Podcast a rencontré Alexandre Monnin, philosophe, directeur du master Sciences, Stratégie et Design pour l’Anthropocène à l’ESC Clermont Business School et auteur de l'ouvrage "Politiser le renoncement", aux Éditions Divergences. Il est aussi co-initiateur du courant de la redirection écologique, dont il nous explique le principe.